L'oeuvre de la quinzaine

Regards croisés sur un tableau d'Edgar Degas (2de1)

Par FREDERIQUE ASTOUBE, publié le dimanche 29 septembre 2024 10:42 - Mis à jour le dimanche 29 septembre 2024 10:42
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Edgar Degas, Dans un café (dit aussi L’absinthe), entre 1875 et 1876, huile sur toile, H. 92,0 ; L. 68,5 cm, Musée d’Orsay

Edgar Degas, Dans un café (dit aussi L’absinthe), entre 1875 et 1876, huile sur toile, H. 92,0 ; L. 68,5 cm, Musée d’Orsay

C’est moi, mais si, moi, à droite, là, celui que la mort surveille, qui regarde l’oiseau libre qui vole… Voilà, tu me vois maintenant… C’est moi, mal habillé, une pipe à la bouche, avec des yeux de mort-vivant.

Cela fait maintenant vingt minutes que je suis là, à me demander pourquoi je suis entré. Pourquoi ma vie est si misérable et sans réussite. Si je continue à m’apitoyer sur mon sort, je pourrais mourir ici… La dame à côté a l’air dans le même cas. Elle regarde dans le vide à en entrevoir son âme. J’ai essayé de lui parler mais aucune réponse. Je pourrais même être ridicule que personne ne s’en apercevrait, tout le monde est pareil ici, à boire pour se réconforter et avoir un semblant de raison de vivre… En fin de compte je ne suis pas si différent d’eux , sinon je ne serais pas dans ce café.

Kajetan Goral, 2de1

Quelle vie monotone… Quel est ce goût amer dans le fond de ma gorge ? Peut-être le goût d’une société patriarcale. Moi, simple ouvrière et femme d’un alcoolique fauché, que puis-je faire face à la dureté de ce monde ?

Mon cœur est vide. Plus rien ne semble m’atteindre. J’aimerais pourtant pouvoir rire à nouveau comme avant. Pouvoir retrouver la force de me lever et de partir de cet endroit qui n’est pas fait pour moi.

Je regarde ce verre, l’ombre qui s’y reflète. Cela me rappelle que tout est éphémère. Chaque instant est comme une goutte d’absinthe qui coule dans mon corps, une seconde qui file entre les doigts. Que dois-je faire de ce moment ?

Anaëlle Feltrin, 2de1

 La toile dénonce les ravages de l'absinthe, alcool violent et nocif, interdit par la suite. On l’a rapprochée du roman de Zola, L'Assommoir, paru en feuilleton en 1876 et publié en 1877, l'écrivain avouant au peintre : "J'ai tout bonnement décrit, en plus d'un endroit dans mes pages, quelques-uns de vos tableaux." Le café est identifié, "La Nouvelle Athènes", place Pigalle, lieu de réunion des artistes modernes, foyer intellectuel de la bohême.