Barbara Kruger, une "réflexion" sur l'image ... par Salma El Haddaji, 1ère G3 spécialité Hida
Ce photocollage est une photographie en noir et blanc d'un miroir fragmenté présentant un visage féminin, complétée par un slogan, une combinaison typographique en lettres blanches.
La composition en Z fait penser à une publicité. On note un contraste important entre le texte, le fond et la photo. Les termes en haut et en bas semblent se refléter en deux grandes lignes, « you are » et « yourself » encadrant le mot «not» au centre, « You are not yourself » signifiant « tu n’es pas toi-même ». Le texte lui-même est fait de lettres grossièrement découpées et collées qui créent un ton discordant et font écho au thème de la rupture. L’utilisation du pronom « you » n’est pas anodine car il vise à inclure dans le reflet chaque spectateur, suggérant que le message intégré s’adresse à tous ceux qui voient l’oeuvre.
La photo représente un miroir brisé laissant place à des fractures, des éclats contrastant avec le visage d’une femme triste, pleurant, que l’on pourrait qualifier elle-même de brisée. Le miroir a vraisemblablement été touché par une balle. On peut parler d’image de l’image et de mise en abyme grâce au reflet de ce visage. La femme qui, yeux mi-clos, tient le miroir de sa main manucurée, contemple son reflet éclaté. Il y a une opposition entre le réel et le reflet. Dans cette composition, le réel est un reflet (simulacre) et la femme est assimilée à une image. You are not Yourself est souvent interprété avec une analyse féministe. La réflexion brisée de la femme sur cette image suggère que l’existence des femmes dans la société est-elle aussi fragmentée. Les femmes sont soumises à de nombreuses normes et forcées d’adopter un certain rôle/comportement pour devenir un amalgame des attentes et des représentations des autres.
D’autres critiques interprètent l’image comme un appel aux spectateurs à considérer leur propre subjectivité et à évaluer les injonctions sociétales qu’ils reçoivent.
Barbara Kruger a elle déclaré dans une interview de 1991 : « Je me risquerais à deviner que beaucoup de gens prêtent attention à leurs miroirs au moins cinq fois par jour et que la vigilance peut certainement structurer l’identité physique et psychique.»
Cette œuvre est assez sobre mais pour autant, elle est très marquante/poignante et elle nous pousse vraiment à la réflexion sur soi. Chaque élément a un sens, chaque morceau de verre brisé nous renvoie à une partie de notre personnalité qui se brise face aux stéréotypes quotidiens. Il est très facile de s’identifier à cette œuvre surtout lorsqu’on vit dans un monde où le complexe est très présent chez les femmes en raison du stéréotype de la « femme parfaite », mince, dotée d’une peau lisse, aux yeux clairs, bien faite, que l’on retrouve dans les magazines, dans les publicités ou sur les réseaux sociaux.
Cette œuvre est une belle représentation de la conséquence de l’image que la publicité et la société nous renvoient, créant ainsi une perte de l’identité individuelle au profit d’une identité de masse, source de mal-être. Elle arrive avec simplicité à faire ressentir des émotions car chaque individu peut comprendre l'œuvre et le message qu’elle transmet. Ce miroir brisé peut avoir plusieurs sens (propre et figuré) et chacun peut interpréter cette image selon sa subjectivité.
Salma EL HADDAJI 1G3, spécialité Hida