L'oeuvre de la quinzaine

L’Atelier du peintre, de Gustave Courbet, vu par ses personnages (2des 1 et 4)

Par FREDERIQUE ASTOUBE, publié le mardi 9 novembre 2021 07:57 - Mis à jour le lundi 15 novembre 2021 15:30
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Gustave Courbet, L'Atelier du peintre, allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie artistique et morale,1855, huile sur toile, 3,59 x 5,98 m, Musée d'Orsay

 

  Je suis Charles Baudelaire, poète depuis mes vingt ans. Sur ce tableau, à droite, je lis. Je suis toujours très concentré quand je lis. Quand je n’écris pas, je lis, quand je ne lis pas, j’écris, des poèmes ou des critiques d’art…

  Je me tiens non loin de Champfleury, un ami écrivain, et tous deux nous soutenons ce cher Courbet. Parfois je fais une pause, je lève la tête et j’observe la scène. Gustave au centre peint son nouveau tableau et s’est entouré de personnages tous représentatifs de la société. Autour de moi, des mécènes très attentifs à ce que fait le peintre, et ce couple enlacé, tous deux serrés l’un contre l’autre, libres… cela fait plaisir à voir, la liberté… Finalement des gens qui soutiennent, qui connaissent l’art. Je me sens à ma place.

  Tout près de Courbet, il y a ce petit garçon, attentif ; il semble tellement innocent que c’en est troublant. Son regard sans jugement semble satisfaire Gustave. Cela me donne envie d’écrire !

Je me sens du bon côté du tableau. En face, je vois des individus de classes sociales et de professions diverses, ne représentent-ils pas le monde matérialiste ? Une mendiante, un croque-mort, un prêtre, un bourgeois, un braconnier et ses chiens… Ils ont tous la tête baissée, ils sont tristes… Je reprends ma lecture.

Nina Thouveny, 2de4

 

  Je suis la femme nue derrière le peintre, qui le regarde tenir son pinceau, jugeant et scrutant son travail, et l’on pourrait croire que je suis son modèle mais je suis sa muse, sa seule source d’inspiration.

  Je représente la Vérité. La vision du peintre n’est pas ce que nous croyons être, ni ce que vous voulez voir.  

  Je ne me cache pas car la vérité est exposée dans vos vies, mais c’est à vous de la voir… Toutefois, le drap que je tiens représente ma pudeur malgré ma nudité, et je ne me dévoile pas totalement.

  Me voir vraiment, c’est comprendre, et s’interroger sur ce qui est réel, vrai ou non, sur ce que peut représenter la Peinture.

 Sarah Kherbouche, 2de1 et Lila Chaminade, 2de 4

 

  Je suis le banquier, tout à gauche du tableau. Je regarde d’un œil méprisant tous ces pauvres gens qui m’entourent. Ils sont sales, puants, et cette mendiante et son nouveau-né, tout à fait répugnants. Ce tableau, que Courbet peint, il est pour moi : dès qu’il aura posé son pinceau, je m’avancerai lui faire une offre qu’il sera incapable de refuser. Je compte l’offrir à ma femme pour nos vingt ans de mariage, elle s’intéresse aux arts et les murs fades de notre maison la désolent. Et je suis d’accord avec elle sur ce point : de quoi aurions-nous l’air, si demain j’invitais un ami banquier et sa femme à dîner et que nos murs étaient dépourvus de toute décoration ? il faut savoir tenir son rang. Et voilà que le marchand de vêtements propose pour la cinquième fois ses étoffes de Bruges et sa soie de Chine à ce croque-mort dépité. Il fait bien d’être ici, celui-là, ne meurt-on pas d’ennui à regarder peindre un artiste ? Ou du moins cela vaut pour moi, de l’autre côté de la pièce fourmillent ces grands bonshommes à l’esprit si clair, ces érudits amateurs d’art, trouvant magnifique ce qui sort du pinceau d’un quelconque peintre auto-proclamé. Misère, leurs conversations me donnent le tournis. Je préfère encore la puanteur et la crasse à ce mythe du bonheur artistique… Que Courbet s’empresse, je ne reviendrai pas demain…                                                                                        

Tom Gadoud, 2de 4

 

  Je suis le petit garçon au centre, issu d’un milieu modeste. Alors me retrouver dans un atelier de peinture, entouré de diverses personnes du monde bourgeois et populaire d’un côté, et artistique de l’autre, constitue pour moi une véritable découverte.

  Je contemple sagement le peintre qui pourrait être mon père. Je suis admiratif devant son travail et attentif à ses explications.

   Ce tableau évoque le réel puisqu’il représente la nature, un paysage aux couleurs sombres. Ces grands arbres envahissant le ciel bleu-gris me font peur, d’autant plus que l’atelier se trouve dans l’obscurité, faiblement éclairé par une petite lampe. Et puis je me sens tout petit face à cette immense toile, ce paysage me paraît tellement réaliste que j’ai l’impression d’être perdu dans cette nature abondante aux couleurs de terre. Peut-être va-t-elle me happer ?           

  Pendant un long moment j’ai voyagé, je ne me trouvais plus devant le tableau, j’étais dans le tableau…

Solenn André-Pellerin, 2de1

 

Je suis l’animal aux longues oreilles et à la truffe noire, tout à la gauche de Monsieur le peintre et de son chevalet. Je regarde en face de moi ce petit garçon qui m’intrigue et qui contemple le peintre avec ses yeux d’enfant innocent. Il me suffit de déplacer à peine mon regard pour voir un chat, que j’envie, il a l’air si indépendant par rapport à moi, chien, il joue pendant que je suis assis là près de mon maître, entouré d’hommes d’affaires et de pauvres commerçants. Il y a beaucoup de monde. Et d’ailleurs, au fond de la pièce, à droite derrière la femme nue qui se tient près de la chaise de Monsieur Courbet (je suppose que celle-ci doit être son modèle de temps en temps), j’aperçois encore plus de gens, qui ont l’air libres et heureux. Je ne vois pas bien toute la scène mais il me semble entrevoir quelqu’un qui lit (sûrement un écrivain proche du peintre), des femmes et des hommes dont un couple non marié (dit mon maître) mais qui s’aime. Soudain la fatigue me prend, la scène s’estompe en même temps que le noir s’installe, je finis par fermer les yeux…

Zoé Marre, 2de1