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"Godard est mort" de Luca Brissonnet

Par VIRGINIE REBULL, publié le jeudi 6 octobre 2022 09:21 - Mis à jour le jeudi 6 octobre 2022 09:26
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Godard est mort, le 13 septembre dernier, en suisse. On pourrait parler de sa vie, de son itinéraire, de ses choix, de l’homme derrière l’œuvre finalement, mais je préfère parler de l’art. Oui de l’art, et peut être aussi un peu de l’œuvre. L’art, les émotions, « l’art en même temps que la théorie de l’art, la beauté en même temps que le sens de la beauté, le cinéma, en même temps que l’explication du cinéma », pour paraphraser JLG.

« Tout dans un film est citation », dira aussi le suisse. De citations il est en effet question dans sa filmographie, peut être le motif qu’il ne lâchera jamais, même dans ses périodes les plus expérimentales, de A bout de souffle au Livre d’Images.

« Le cinéma, est une saturation de signes magnifiques qui baignent dans la lumière de leur manque d’explication ». C’est d’ailleurs un des points sur lesquels se jette les détracteurs du réalisateur : films considérés comme incompréhensibles, neuneus. Mais Godard se trouve « en dehors de la compréhension » pour paraphraser cette fois le grand maître japonais Takeshi Kitano. Et Lynch d’ajouter : « les gens cherchent à comprendre les films alors qu’il ne comprennent pas leur propre vie ». Alors comprendre les films de Godard, non, car ses films sont à proprement parler, la « vie », celle la même dont parle Lynch. Ce désir brûlant, cet amour dévastateur, et cette tentative passionnée de s’élever. S’élever, oui, mais au-dessus de quoi, me diriez vous, et je rectifirai en disant que c’est vers quelque chose que tend l’œuvre du cinéaste. Le philosophe Alain Badiou va même jusqu’à parler du « platonisme anarchique de Godard », un cinéma décrit comme une remontée vers l’essence, vers l’infini. Et au-delà, encore.

Car bien que le cinéma de Godard soit une véritable révolution, il va à travers elle en mener plein d’autres. Car l’homme est né en 1930, ce qui en fait un témoin de l’évolution du cinéma au cours de la deuxième moitié du XXème siècle. Il en suivra les basculements, les ruptures, et il y participera, souvent. La Nouvelle Vague, dont on ne peut le dissocier, le range parfois, et à son désavantage, dans une catégorie seule de réalisateur. Or on ne peut le résumer à ce mouvement, bien qu’il en soit le principal créateur. La nouvelle vague brûle, Godard s’embrase. Il ira au-delà de tout, de ses films, de ses convictions. C’est aussi là par exemple la raison de sa brouille avec Truffaut, qu’il accusera de s’être rangé du côté de la critique bourgeoise, catégorie sociale dont est issu le réalisateur suisse et qu’il essayera de fuir tout au long de sa vie. Le révolutionnaire de feu n’abandonne pas.

L’évolution de Godard, de plus en plus vieux et de plus en plus radical, l’isolera peut à peut. Sur une photo sorti des archives par Le Monde à la mort du réalisateur, on le voit entouré de sa famille de l’époque : François Truffaut, Louis Malle, Claude Lelouch, ou autant de réalisateurs réformateur du cinéma français et mondial… Devant l’image on ne peut que constater qu’une époque se ferme avec Godard, dernier dinosaure de la révolte. Cette mélancolie teintera son œuvre, vers la fin, notamment à partir des années 2000, ou il se muera tantôt en archéologue du cinéma, tantôt en Christ s’adressant aux derniers adeptes d’une religion presque disparue. Car aucun véritable successeur ne se dégage, impossible d’imiter l’inimitable. Godard dévoré par Saturne, ses films restent néanmoins toujours plus éclatant, toujours plus vrai, toujours plus sincère.

A la mort de Truffaut, en 1984, Godard écrit : « François est peut-être mort, je suis peut-être vivant. Il n’y a pas de différence n’est-ce pas ? »

/ / /  Luca BRISSONET - T. Cinéma-Audiovisuel / / /